Ce qu'on ne peut pas dire
L’écriture, c’est la résistance au silence.
Je fragmente les visages pour me concentrer uniquement sur cette bouche obstinément close. Cette bouche qui ne dit rien, qui refuse de prendre la parole.
La représentation physique est tronquée, réduite à une succession de bouches muettes auxquelles je veux donner à présent la parole.
Le philosophe Jacques Derrida a écrit : « ce qu’on ne peut pas dire, il ne faut surtout pas le taire, mais l’écrire »
Ce qui me fait garder les lèvres serrées, c’est la peur d’avouer mon ambivalence face à l’amour, au désir d’aimer et d’être aimée, la difficulté d’affirmer ma singularité et la crainte d’être rejetée. Ces mouvements contradictoires me maintiennent dans la confusion.
Alors, ce qui me fait garder la bouche close, c’est le silence des femmes sur leurs désirs.
Je recouvre toute la surface de ce fragment de visage d’une écriture fine et serrée, où je répète inlassablement la même phrase, comme une incantation hallucinatoire et délirante.
À travers cet acte d’exorcisme, ces bouches s’ouvrent, libèrent la parole et deviennent porteuses de guérison.
Writing is resistance in silence. I fragment faces to concentrate solely on the mouth stubbornly closed. This mouth that says nothing and that refuses to speak. Physical representation is truncated, reduced to a succession of dumb mouths that I want to give this speech to. The philosopher Jacques Derrida wrote: "what cannot be said, should
certainly notbe silenced, but written down". What makes me silent is the fear to admit my ambivalence towards love, and the desire to love and be loved, the difficulty to assert my individuality and the fear of being rejected . These contradictory movements put me in a confusion. So, what makes me silent is the silence of women on their desires. I cover the entire surface of this fragmented face with refined and tight writing, where I endlessly repeat the same sentence as a hallucinatory and delusional incantation. Through this act of exorcism, mouths open, free speech and become healers.